Circulaire du Premier Ministre sur la Politique publique de la donnée, des algorithmes et des codes sources

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Le premier Ministre

Paris, le 27 avril 2021

N° 6264/SG


à

Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les ministres délégués,
Mesdames et Messieurs les secrétaires d'État,
Mesdames et Messieurs les préfets de région

Objet : Politique publique de la donnée, des algorithmes et des codes sources


Au cours des dernières années, la France s’est dotée d’un cadre juridique à l’avant-garde en matière d’ accès aux documents administratifs et de réutilisation des informations publiques [1], en instaurant l’ ouverture libre, gratuite et par défaut de toutes les données dont la publication représente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental, dans le respect de la protection des données à caractère personnel et des secrets protégés par la loi.

La crise sanitaire sans précédent que nous connaissons vient démontrer que l’ouverture et l’utilisation des données publiques, relatives notamment au suivi de l'épidémie, sont indispensables à l’efficacité de l’action publique, au suivi de l’action gouvernementale et au débat démocratique.

Lors de la convention managériale de l’État du 8 avril 2021, le Président de la République a appelé de ses vœux la mise en place d’une politique publique de la donnée ambitieuse qui constitue un enjeu de souveraineté, mais également de transformation de l’action publique.

L’exploitation des données des administrations permet ainsi une meilleure évaluation des politiques publiques et la simplification des relations entre les usagers et le service public. À cet égard, le baromètre des résultats de l’action publique, publié en janvier et qui sera régulièrement enrichi et actualisé, donne à voir aux Français les résultats des politiques prioritaires et constitue un outil de pilotage de l’action de l’État au niveau territorial. Enfin, la diffusion, le partage et la valorisation des données et des algorithmes soutiennent l’innovation, la recherche, la création de valeur et le développement de nouveaux usages, comme en matière d’intelligence artificielle.

Or, si notre pays figure en tête des classements internationaux, le rapport du député Éric Bothorel remis en décembre 2020 a souligné la nécessité de redoubler nos efforts, dans un contexte de transformation numérique croissante de nos sociétés.

Dans ce contexte, comme j’en ai pris l’engagement à l’occasion du comité interministériel de la transformation publique du 5 février 2021, je souhaite que le Gouvernement porte une ambition renouvelée en matière d’exploitation, d’ouverture et de circulation des données, des algorithmes et des codes sources publics au profit des usagers, des chercheurs, des innovateurs et de l’ensemble de nos concitoyens.

I. La politique de la donnée doit constituer une priorité stratégique de l’État dans ses relations avec tous ses partenaires, notamment les collectivités territoriales et les acteurs privés

Cette ambition nécessite que vous vous y impliquiez personnellement.

Les administrations placées sous votre autorité devront rechercher en permanence la meilleure circulation de la donnée, des algorithmes et des codes, dans des formats ouverts et exploitables par les tiers. Pour ce faire, elles doivent mobiliser les dispositifs techniques disponibles comme l’accès sécurisé aux données, la pseudonymisation, l’anonymisation ou l’agrégation.

Cette ambition renouvelée implique, en outre, un renforcement de l’ouverture des codes sources et des algorithmes publics, ainsi que de l’usage du logiciel libre et ouvert, et l’extinction, à horizon 2023, des redevances perçues pour la réutilisation des données notamment sur le fondement de l’article L. 324-1 du code des relations entre le public et l’administration.

Il vous appartient également de mettre en place l’organisation la plus adaptée pour favoriser les synergies entre les services chargés du numérique dans votre ministère, notamment les services statistiques. À cette fin, vous nommerez d’ici le 15 mai un administrateur ministériel des données, chargé d’élaborer la stratégie de votre ministère dans ce domaine, de coordonner les parties prenantes et d’être le point de contact des utilisateurs des données et des applications numériques relevant de votre périmètre. Son positionnement hiérarchique devra lui permettre d’assurer ses missions en lien étroit avec les services placés sous votre autorité.

Le directeur interministériel du numérique, en sa qualité d’administrateur général des données, algorithmes et codes sources, en assurera la coordination, en s’appuyant sur le département Etalab. La direction interministérielle du numérique (DINUM) peut à cet égard être saisie, par toute personne morale de droit public, de toute question portant sur la circulation des données. Je vous encourage en particulier à la saisir pour accélérer le partage de données entre administrations, qui souffre encore trop souvent de freins et de lenteurs, alors qu’il est un gage indispensable de l’efficacité de l’action publique.

L’ouverture et la circulation des données, déjà pratiquées dans les territoires, est un enjeu majeur de simplification et de transparence de l’action publique locale, qui doit être promu et accompagné. Je souhaite ainsi qu’un référent « données, algorithmes et codes sources » soit désigné auprès de chaque préfet de région pour accompagner les services déconcentrés de l’État dans la mise en oeuvre de ces orientations.

De même, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sera chargée d’animer la coopération entre l’État et les collectivités territoriales en matière de circulation des données, en s’appuyant notamment sur l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

S’agissant enfin des relations avec les acteurs privés détenant des données dites d’« intérêt général » à forte valeur ajoutée pour la puissance publique, une mission de préfiguration de la fonction de médiateur de la donnée d’intérêt général sera lancée et rendra ses travaux avant le 1er décembre 2021.

En lien avec la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, la ministre de la transformation et de la fonction publiques établira, d’ici le 1er juillet 2021, une charte d’engagement de l’État pour accélérer le traitement des demandes des chercheurs souhaitant accéder à des données ayant vocation à être mises à disposition du public et en particulier réutiliser des algorithmes et des codes sources.

Enfin, je souhaite que vous animiez les écosystèmes de réutilisateurs des données et codes sources de votre ministère et des éventuels contributeurs, afin d’identifier les jeux de données à forte valeur ajoutée, de définir d’éventuels standards et d’alimenter le partage. Le forum du partenariat pour un gouvernement ouvert constituera l’une des enceintes à privilégier pour ces échanges.

II. L’année 2021 doit poser les fondements d’une politique ambitieuse de la donnée, des algorithmes et des codes sources dans chacun de vos ministères

Afin de garantir la mise en œuvre de ces orientations, une stratégie interministérielle pour la filière numérique incluant les compétences liées aux données et aux algorithmes me sera présentée par la ministre de la transformation et de la fonction publiques d’ici le 15 mai 2021.

Vous élaborerez une feuille de route présentant la stratégie de votre ministère, qui devra m’être transmise, ainsi qu'à la ministre de la transformation et de la fonction publiques, d’ici le

15 juillet 2021 et sera rendue publique d’ici le 15 septembre 2021. Vous vous attacherez dans cette feuille de route à développer les compétences relatives aux données, aux algorithmes et aux codes sources au sein de vos administrations, notamment pour les cadres dirigeants, supérieurs et intermédiaires.

Dans les feuilles de route des services placés sous votre autorité, vous veillerez à intégrer systématiquement des objectifs relatifs au pilotage, à l’ouverture, à la circulation et au partage des données, des algorithmes et des codes sources. Ces objectifs devront constituer des critères d’évaluation de l’action de vos directeurs d’administration centrale et des chefs de services déconcentrés. Je vous demande également d’inclure des clauses analogues dans les contrats conclus avec les opérateurs et établissements publics placés sous la tutelle de votre ministère et d’intégrer cette dimension dans les relations contractuelles avec les acteurs privés chargés, sous votre autorité, d’une mission de service public (entreprises, professions réglementées, associations).

De plus, vous vous assurerez que les données ouvertes de votre ministère sont référencées sur les portails interministériels data.qouv.fr et api.qouv.fr. La DINUM assure la gestion et la montée en gamme de ces portails et définira des standards de qualité et d’interopérabilité concernant les données qui y sont exposées. Un label des services producteurs de données sera créé pour soutenir les initiatives des administrations.

Une mission dédiée à l’animation et la promotion interministérielles en matière de logiciel libre et de communs numériques sera mise en place au sein de la DINUM et créera le portail interministériel code.gouv.fr. Vos administrations pourront s’appuyer sur cette mission, ainsi que sur l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information pour les enjeux relatifs à la cybersécurité, pour les accompagner dans l’ouverture de leurs algorithmes et de leurs codes sources.

Afin d’accélérer la mise à niveau numérique de l’administration, soutenue par les moyens de France Relance, je demande à la ministre de la transformation et de la fonction publiques de vous apporter son concours dans la mise en œuvre de cette politique de la donnée et d’assurer le suivi de ces orientations. Je ferai un point régulier sur son avancement en comité interministériel de la transformation publique.

Jean CASTEX

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  1. 1 Notamment le code des relations entre le public et l’administration, tel que modifié par la loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public et par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.