20210110 - Coldefy - Télégramme

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Le plaidoyer d’un amiral
pour l’avenir maritime de la France
Alain Coldefy

Le « monde marche sur l’eau pour avancer », et la France ne peut plus l’ignorer, plaide l’amiral Alain Coldefy dans un livre personnel et politique : « Amiral - Le sel et les étoiles » (éditions Favre).

article de Mériadec Raffray
Le télégramme - Dimanche 10 janvier 2021
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« Tant que l’on n’a pas ressenti les colères de la mer, rien n’est réel. » Entré à l’École navale à la veille de mai 68, grâce à ses aptitudes pour les maths, Alain Coldefy, fils d’un médecin militaire issu d’une lignée terrienne ancrée dans le Sud-Ouest, avec des ramifications italiennes et irlandaises, a consacré 41 ans à la Marine avant de poser son sac à terre, d’abord comme conseiller de Louis Gallois, le patron d’EADS (aujourd’hui le groupe Airbus), puis à la tête d’associations prestigieuses : l’Académie de Marine et maintenant la Société des membres de la Légion d’honneur (la « SMLH » ), qui fête cette année son centième anniversaire. « Les marins ont plus de vies que les chats. Et parmi les marins, Coldefy est un phénomène », prévient son ami Erik Orsenna dans la préface de l’ouvrage dans lequel l’officier se dévoile un peu, au service d’une ambition politique assumée : convaincre que « la mer peut être cet idéal, ce projet aussi novateur que galvanisant pour affronter les enjeux du futur (…). Autour de la mer, j’en suis persuadé, nous parviendrons à réunir et entraîner nos citoyens, particulièrement la jeunesse simultanément idéaliste et réaliste, parce que la mer est un projet globalisant, qui combine le rêve, l’économie, l’industrie, le développement durable, l’engagement et la beauté. »

Une ambition à laquelle la France a le plus souvent tourné le dos, et qui lui revient comme un boomerang dès que les tensions internationales s’accroissent, souligne le « guerrier » Coldefy, comme le surnomme avec respect l’amiral américain auquel il a tenu tête en Adriatique, durant la guerre du Kosovo de 1999.

« En mer, il n’y a jamais de temps de paix »

En « mer, il n’y a jamais de temps de paix, on est toujours au contact avec l’ennemi potentiel ». A fortiori aujourd’hui, où « le fait stratégique nouveau est que la terre est désormais durablement dans la zone d’action des forces navales ». Pacha du porte-avions Clemenceau au début des années 90, commandant du groupe aéronaval constitué autour du Foch lors de la guerre de l’Otan contre le Serbe Milosevic, ce surfacier déplore les hésitations de la France à emboîter le pas à la Grande-Bretagne qui, en dépit de son équation budgétaire contrainte, s’est dotée de deux exemplaires de ce redoutable outil de puissance. On compte au total 18 porte-avions et 27 porte-aéronefs en service.

« Le monde marche sur l’eau pour avancer », écrit joliment celui qui confie être né marin dans le Pacifique. Au début de sa carrière, à bord du patrouilleur La Paimpolaise, puis de l’Anjou, un ex-cargo qui ravitaillait Mururoa, où la France conduisait ses essais nucléaires, « Nous naviguions au sextant, avec les étoiles et le soleil pour guide ». La mission finie, « nous goûtions quelques heures de vie polynésienne ».

Dans les tempêtes de l’Atlantique

À cette initiation à l’aventure et à la liberté, il ajoute les tempêtes de l’Atlantique. Au large de la pointe de Penmarc’h, cette nuit de décembre 1976, où le dragueur de mines sur lequel il apprend à des polytechniciens à tenir le quart, affronte des creux de quatorze mètres ; lorsque l’escorteur qu’il commande dix ans plus tard, le Du-Chayla, est surpris par des vents de 220 km/h au sortir de la Manche. Le summum est atteint, reprend celui qui achèvera sa carrière militaire au poste de numéro deux des Armées, quand retentit sur la coque le « ping » du sonar d’un sous-marin ennemi.

Au quotidien comme dans l’adversité, confie ce marin taiseux et stratège, un équipage tient bon en appliquant trois recettes simples : chacun son métier, le respect pour tous et des règles communes. Une leçon qui vaut aussi pour notre société meurtrie dans sa cohésion, estime l’actuel président de la SMLH, dont les 45 000 membres (recrutés parmi les titulaires de la Légion d’Honneur) perpétuent en direction des jeunes méritants la mission d’entraide ayant présidé à sa création en 1921 ; au sortir de la Grande Guerre, beaucoup des 175 000 militaires décorés sombraient dans la misère. « Nous vivons un moment d’histoire. Nous sortirons ensemble du cyclone. »